Dans les médias, j’entends parfois que le temps semble se compresser, s’accélérer du fait des évolutions technologiques de plus en plus rapides. Il semble en effet impossible aujourd’hui de pouvoir « passer de la performance instantanée au temps d’oeuvrer ».

Si cette perspective me paraît juste, il me semble aussi utile de l’examiner plus en profondeur pour la compléter. Le but: envisager comment nous pouvons nous prémunir de cette cadence infernale. Car au-delà du phénomène d’accélération proprement dit, nous faisons face à un réel problème de société. Et celui-ci se cristallise de plus en plus dans la sphère de la santé mentale.

Des personnes sous pression

D’après un article du journal belge L’Echo de juin 2022 qui cite une étude menée par RH Securex, « le risque de burn-out visait 28,5 % des travailleurs à l’automne 2021 contre 23,8% en 2018 et 2019 ». Le risque de burn out a donc solidement augmenté avec la pandémie. 3 facteurs principaux seraient au coeur de cette évolution:

  • La charge émotionnelle dans les sphères professionnelle et privée
  • La charge de travail dans le quotidien professionnel
  • Les multiples incertitudes auxquelles nous devons faire face

Une analyse de l’INAMI (Institut national d’assurance maladie-invalidité), en Belgique, confirme cette triste tendance. En 4 ans, on a assisté à une augmentation d’environ 40% (!) des burnouts et des dépressions de longue durée.

La combinaison des 3 facteurs ci-dessus est assez logique à appréhender intuitivement. Néanmoins, le phénomène d’épuisement professionnel, accentué par la crise sanitaire, ne date pas d’hier. Au contraire, il trouve son origine dans des tendances bien ancrées au sein de notre société. La façon moderne d’appréhender le temps en constitue un des paramètres. Cependant, celle-ci est étroitement nouée avec l’influence grandissante qua la technologie a pris dans nos vies.

Comment sortir de cette dynamique et retrouver une forme de sérénité dans nos vies professionnelles?

Une double perspective

Selon moi, cette thématique peut revêtir des allures de fausse simplicité. Alors, pour y voir plus clair, je me suis appuyé sur deux interviews. Tout d’abord, un entretien de Nicole Aubert paru sur le site du journal le Monde en 2017. Ensuite, une interview de l’historien Jérôme Baschet publiée sur le site Usbek & Rica en avril 2018. La combinaison de leurs points de vue fournit un éclairage intéressant sur l’évolution de la société. En filigrane, on peut en déduire que la période de la pandémie n’a rien arrangé, au contraire.

Perspective psycho-sociale

Nicole Aubert est sociologue et psychologue, ainsi que professeure émérite à l’ESCP Europe. Elle a notamment publié « Le culte de l’urgence: la société malade du temps » (Flammarion, 2004). Elle constate que l’importance grandissante des nouvelles technologies nous pousse à envisager le cours du temps d’instant en instant. Celui-ci ne s’inscrit donc plus dans une perspective continue. La conséquence de cette évolution est alors d’avoir à s’inscrire en permanence dans une logique d’urgence.

Les individus doivent dès lors accélérer en permanence pour répondre aux impératifs d’une société tourne de plus en plus vite. Autrement dit, ce sentiment de compression du temps résulterait, selon l’auteure, d’un mécanisme d’adaptation. Une des solutions pour compenser cette nécessaire adaptation est de parvenir à accroître notre maîtrise du temps. Mais cette maîtrise a un prix. C’est celui « d’un individu prisonnier du temps réel et de la logique de marché, incapable de différencier l’urgent de l’important, l’accessoire de l’essentiel. Nos sociétés, à flux tendus, ont créé des individus à flux tendus ».

Règne de l’urgence et impacts dans notre appréhension du temps

Toujours selon Nicole Aubert, cette généralisation du règne de l’urgence est donc de nature double: technologique et économique. Le fait que la dimension financière soit devenue si prégnante pousse à « produire toujours plus avec le moins de monde possible et dans le temps le plus réduit qui soit ». La rentabilité doit non seulement:

  1. Etre plus grande (le niveau du retour sur investissement doit être plus élevé)
  2. Et aussi plus rapide (la durée pour parvenir à ce retour sur investissement doit aussi être plus courte)

Cependant, Aubert nous dit que ce « temps du profit entre en contradiction avec le temps politique des démocraties, le temps stratégique des entreprises et le temps psychologique des individus qui y vivent ». Cette nouvelle relation au temps n’est donc pas seulement d’ordre économique. Elle est aussi d’ordre politique, prospectif et psychologique.

L’exigence de devoir être plus performant dans un temps toujours plus court contraint mécaniquement les individus à aller toujours plus vite. L’imbrication des nouvelles technologies de communication et de l’essor du capitalisme financier a ainsi entrainé 3 nouvelles manières d’appréhender le temps selon l’auteure:

  1. L’instantanéité: celle-ci est permise par la technologie
  2. L’immédiateté (qui découle de la première): potentiellement, je peux avoir la réponse à ma demande ou un résultat dans l’instant, donc je le veux immédiatement
  3. L’urgence: celle-ci s’inscrit dans la logique de compétition économique entre les entreprises et parfois aussi entre les individus d’une même entreprise

L’urgence et les technologies mettent-elles les relations humaines en danger?

La logique d’urgence insinue ses impacts jusque dans nos rapports aux autres selon Nicole Aubert: « nos relations, médiées désormais par la technologie, se nouent plus vite mais elles sont plus flexibles, éphémères, et à l’image des systèmes économiques contemporains qui imposent l’immédiateté, l’instantanéité et mettent à l’écart la capacité d’engagement dans le temps. C’est d’ailleurs ce qu’exprime le sociologue Richard Sennett […] dans une société qui ne s’intéresse qu’à l’immédiat et dans laquelle les exigences de flexibilité généralisée empêchent d’entretenir des relations sociales durables et d’éprouver un sentiment de continuité de soi, le tout au sein d’entreprises constamment disloquées et restructurées… Comme le souligne la sociologue Américaine Shirley Turckle, nous sommes « seuls ensemble » sur nos écrans, dans une bulle, derrière un clavier, rassurés d’« être en contact avec un grand nombre de personnes […] soigneusement tenues à distance […] » ».

Cette accélération de soi imprimée par la logique d’adaptation et l’affaiblissement du réseau de relations peut mener jusqu’à une dépossession de soi selon l’auteure:

 » […] l’accélération nous pousse à aller toujours plus vite pour « exister », mais elle entraîne aussi bien souvent une perte de soi, avec l’émergence d’« états limites » et de pathologies dans lesquelles on déclare « être en surchauffe » ou « péter les plombs » ».

En résumé

En d’autres termes, le besoin d’exister dans le monde professionnel et technologique induit la nécessité de démultiplier les interactions. Par contre, celles-ci ne seront pas nécessairement porteuses de sens ni ne nourriront les relations.

En effet, le rythme effréné auquel les personnes sont soumises conduit alors à une déconnexion de plus en plus grande entre l’esprit et le corps, entre psyche et soma. La voie royale s’ouvre vers un potentiel épuisement ou vers le développement de pathologies mentales. L’hyperconnexion technologique va à contre-courant de la relation humaine. En effet, celle-ci a besoin de temps pour s’incarner et s’inscrire dans le coprs et dans la durée.

Perspective historique

Penchons-nous sur la seconde interview. Jérôme Baschet est historien et maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Dans un constat analogue à celui posé par Nicole Aubert, il évoque « Le présent perpétuel […] une forme d’enfermement dans un présent hypertrophié qui, d’un côté, affaiblit le rapport historique au passé en réduisant ce dernier à quelques images mémorielles éparses et, de l’autre, interdit toute perspective de futur qui ne soit pas le prolongement du présent. […] Éternisé, le présent apparaît dès lors comme le seul monde possible. […] ». En synthèse, le temps devient comme un cage mentale dans laquelle l’esprit est condamné à la répétition.

Pour lui, « L’homme contemporain est malade du temps, de son rapport au temps. Les contraintes du monde de l’économie sont en grande partie des chrono-contraintes, des formes de pression sans cesse accrue sur nos ressources temporelles. »

Un problème de densification

Mais l’aspect particulièrement intéressant que l’auteur soulève, c’est la notion de densification. « En réalité, il ne s’agit pas seulement d’un phénomène d’accélération ; c’est, plus précisément, qu’il y a toujours davantage à faire par unité de temps ». C’est un phénomène auquel la plupart d’entre nous sommes confrontés dans notre vie professionnelle. En effet, le nombre d’éléments ou d’informations à traiter par unité de temps ne va pratiquement qu’en s’accentuant. Un exemple simple mais assez évocateur: auparavant, les échanges d’informations étaient réalisés par courrier postal. Il y avait une temporalité associée à ces échanges. Aujourd’hui, cela n’émeut plus grand monde de recevoir entre 50 et 100 courriers électroniques… par jour! Mais cela réduit le temps pour assurer une prise de recul et un traitement en profondeur. L’accélération s’accompagne d’un accroissement de superficialité.

« Cette densification quantitative du temps […] se diffuse désormais partout, aussi bien dans les services publics que dans l’ensemble des aspects de la vie. Elle est une dimension majeure de la souffrance au travail et du stress généralisé […]« . Les conséquences au niveau du travail quotidien sont très concrètes. En effet, au-delà des souffrances physiques et psychiques, un autre mouvement de contestation s’étend: celui de ne plus avoir la possibilité de faire correctement son travail. Dans un certain sens, le travail « ne nourrit » plus l’âme: les humains se sentent alors comme des machines à « processer ». Comment dans ce cas pouvoir être fier de ses accomplissements et avoir l’envie de pérenniser son activité et l’entreprise? Le sens profond semble s’être perdu.

Un présent refermé sur lui-même n’a pas de futur

« Le régime d’historicité propre à la modernité classique, depuis les Lumières, était « futuro-centré » » dit Baschet. Dans cette perspective, il y avait une espérance, une sorte de confiance. En dépit des difficultés ponctuelles, la tendance vers le futur était perçue comme une progression.

Selon l’auteur, le présentéisme économique et technologique a progressivement bouché cet horizon qui semble s’être éteint. Pire, les défis globaux comme le changement climatique ou la préservation des écosystèmes renforcent ce sentiment de fermeture des perspectives. Ainsi « prévaut une grande difficulté à se projeter dans un futur qui paraît très sombre et lourd de menaces. […] Même le discours du pouvoir se fonde désormais moins sur une promesse d’avenir que sur la nécessité de s’adapter au monde tel qu’il va, et notamment à la concurrence mondialisée. Le présentisme est une forme de fatalisme adaptatif ».

Pour l’auteur, la notion même de Progrès semble dès lors avoir muté. Le discours politique semble en effet l’avoir réduit à 3 éléments: « croissance, développement ou modernisation. Pourtant, la grande idée du Progrès, […] impliquait la certitude d’une amélioration globale, pas seulement matérielle mais aussi culturelle et civilisationnelle […]. C’est pourquoi il ne reste de l’idée du Progrès que des formes désormais restreintes aux domaines technologique et économique […] ».

Des pistes pour sortir de cette boucle infernale

Selon les auteurs, les contraintes économiques et les outils technologiques sont à la base d’un d’enfermement des individus dans le présent.

Cet enfermement a plusieurs conséquences:

  • La mise sous pression des individus dans un régime d’urgence permanente. Celle-ci empêche de repenser le temps long
  • Une forme d’effilochage des relations professionnelles au sein de la sphère professionnelle
  • Une difficulté à construire, à se projeter dans le futur. En particulier, un futur différent de celui qui ne serait que la conséquence des présents successifs que nous traversons

On le voit, la technologie constitue un des fils rouges de cette évolution. En même temps, elle est aussi un levier d’action pour inverser la tendance. Nous aborderons cette dimension dans une prochaine série d’articles.

Nous allons nous concentrer dans la suite sur deux impacts qu’a le fait de réintroduire le temps long, c’est-à-dire se donner et donner aux idées le temps de se déployer:

  • Il modifie les capacités, les aptitudes que nous pouvons mobiliser
  • Il permet de donner un espace au (re)déploiement des relations

Produire et consommer

Ce qui frappe en lisant les 2 articles évoqués ci-dessus, c’est ce manque d’horizon qui serait devenu inévitable dans la sphère professionnelle. C’est comme si nos esprits étaient devenus prisonniers d’une dualité horizontale « consommer et produire ». Je la vois comme horizontale car cette dualité a tendance à se perpétuer elle-même. Elle fait tout, consciemment ou non, pour éviter un changement de niveau ou d’état. On reste alors cloisonné dans le même sillon:

Axe horizontal consommation-production
Consommation vs. Production

Dans ce schéma:

  • La consommation est considérée négativement car on retire quelque chose au milieu
  • La production, a contrario, est considérée positivement: on ajoute, on apporte quelque chose au milieu

Penser et créer

Pour sortir de ce continuum qui tend à éviter tout changement, il faut réintroduire les actes de penser de créer. J’aime de les poser comme étant des « actes de… » car il s’agit de deux démarches actives. Elles ne vont pas de soi et requièrent une réelle volonté d’agir:

Repère consommation-production vs. créer-penser
Penser vs. Créer

Dans ce schéma:

  • La pensée est considérée négativement car il s’agit d’une opération mentale convergente, tendant vers un résultat précis. Dit autrement, on tente de sélectionner la ou les meilleures options parmi un ensemble d’options. On restreint alors le champ des possibles
  • La création est par contre considérée positivement: l’idée ici n’est pas de réduire un ensemble d’options mais bien d’en envisager le maximum. On élargit alors le champ des possibles

Seul le temps long permet de fournir un substrat à l’émergence d’idées nouvelles. La pensée et la créativité s’appuient sur ce temps pour s’élever comme une plante qui pousse. Penser et créer sont des activités qui vont main dans la main et c’est en les combinant qu’on arrive à des résultats qui permettent de changer de niveau d’action. On est ici dans le cadre d’un temps long individuel, personnel. Mais ce n’est pas tout. Il s’agit aussi de faire essaimer ces processus de pensée et de créativité dans le tissu collectif. Il s’agit de se donner du temps pour penser et créer ensemble. Cela leur permet de « prendre corps » dans la trame invisible de l’organisation.

Ramener du sens

Une des clés est donc de se donner du temps hors du « flux de productivité » pour pouvoir créer et penser les choses, à la fois seul et collectivement. Avec, en ligne de mire, la volonté de ramener du sens dans la sphère professionnelle.

Pour ce faire, une des voies est d’alterner entre les axes horizontal (consommer/produire) et vertical (penser/créer), tout en inscrivant ce mouvement dans le collectif grâce à l’utilité, à la portée que va alors revêtir l’action du groupe à travers nos relations:

Repère consommation-production vs. créer-penser entouré d'un cercle collectif
Elargir la portée nos actions en les inscrivant dans le collectif

Ce temps long permet donc de réhabilité les actes de penser et de créer et de déployer ces dimensions avec les autres. Mais comment faire concrètement?

« Oeuvrer n’est pas travailler »

Un excellent article publié par l’ADN fin 2021 aborde la synthèse de cette question avec beaucoup de justesse sous la plume du philosophe Philippe Nassif. Je vous en recommande chaudement la lecture! L’auteur interroge la pertinence de réintroduire l’éthique artisanale dans le monde des entreprises dites de service. L’idée générale est de passer de la « performance au travail » à « l’oeuvre en commun ». Car étrangement, cette distinction entre travail et oeuvre est assez peu courante. Ceci constitue un paradoxe en regard de son importance, comme le note la philosophe Hanna Arendt.

Une question de sens et de pérennité dans le temps

Toujours selon Arendt, l’enjeu est de « distinguer entre le labeur et l’oeuvre: entre « l’animal laborans » et « l’homo faber ». Le travail en effet se caractérise par la répétition et la peine. Il est du côté de la seule subsistance « animale ». Il est synonyme, pour nos contemporains, de « manque de sens ». Et, aussitôt produit, aussitôt effacé, il ne laisse pas de trace – un peu comme quand on a passé son après-midi à « traiter » une centaine d’e-mails. […] À l’inverse, il y a l’œuvre : « l’homo faber est maître de lui-même et de ce qu’il fait », écrit Arendt, il est porté par la joie à l’ouvrage, il fabrique des objets d’usage qui rendent notre monde habitable : « La réalité et la solidité du monde humain reposent avant tout sur le fait que nous sommes environnés de choses plus durables que l’activité qui les a produites. Plus durables, même, possiblement, que la vie de leurs auteurs. ». »

Dès lors, selon l’auteur de l’article, intégrer l’éthique artisanale dans notre propre activité présenterait plusieurs avantages.

Oeuvrer est l’aboutissement d’un processus expérientiel plus qu’intellectuel

Tout d’abord, reprenant l’exemple d’un charpentier philosophe du nom d’Arthur Lochmann, l’auteur évoque le fait que « le savoir-faire ne s’acquiert pas par un cérébral effort d’analyse, mais par la lente métabolisation d’expériences vécues. Il y est question de la féconde solidarité qui unit tous les « compagnons » d’un chantier. Il y est question, aussi, du bon rythme dans l’exécution d’une tâche – nous pourrions dire : du privilège de travailler à la bonne heure ». Il s’agit donc, poursuit l’article « d’être plus attentif à ce qui, dans notre manière d’appréhender nos métiers, les éloigne du pôle homo laborans et les tire vers le pôle homo faber ».

Co-operare

Il y a un changement de paradigme à opérer. Il s’agit:

  • De se dégager de l’organisation individuelle de la performance
  • Pour se concentrer sur la prospérité de l’entreprise qui est le bien commun que chacun cherche à atteindre

« S’il y a toujours un chef d’équipe pour coordonner le travail et, au besoin, trancher sur des questions techniques, il n’y a pas plus d’héroïsme individuel que de fautes personnelles » , note ainsi Arthur Lochmann. Puisque la réussite de chacun dépend du résultat de tous, « on veille les uns sur les autres, les erreurs et les faiblesses de chacun sont donc prises en charge par tous » . On parle alors de « responsabilité solidaire ». Il n’y a « pas de carotte ni de bâton donc, mais un rapport de transmission : « Toute parole reçue que tu n’as pas transmise est une parole volée » ».

L’idée ici est donc de « distinguer entre « collaboration » (de « co-laborans » : le labeur avec) et « coopération » (de « co-operare » : l’œuvre avec). Dans l’entreprise moderne, on se contente de « collaborer » en obéissant à un process impersonnel qui indique à chacune et chacun sa tâche. Dans un atelier, au contraire, les artisans « coopèrent ». Ils ne s’appuient pas sur des règlements qui les isoleraient les uns des autres, mais apprennent à ensemble dé-brouiller une situation, un projet, un problème ».

De l’importance des rituels

Cette coopération permet la synchronisation des corps, de l’espace et du temps. On est bien loin de ce que l’on peut habituellement percevoir dans certaines entreprises « classiques ». Une dimension supplémentaire vient s’ajouter à cette articulation: celle des rituels collectifs. En effet, ceux-ci permettent de cristalliser le sens commun et de le rendre tangible. Il devient alors perceptible pour l’ensemble des membres du groupe. Ils ont, « à long terme, une fonction de garde-fou contre la pulsion du toujours-plus-de-rendement : à se retrouver pour « fêter » l’œuvre commune, on vitalise discrètement l’éthique du travail bien fait ».

Passer des interactions aux conversations

C’est là que l’art de la conversation vient prendre son sens. Comment le transposer du domaine des métiers manuels à celui des métiers de service? Il s’agit de parvenir à modeler le sens, la compréhension et les décisions. Et c’est ce qui constitue en réalité le métier premier des managers. Leur raison d’être, littéralement, « cest d’orienter, motiver, protéger leurs collaborateurs. Plutôt que de les transformer en bureaucrates hyperactifs, nous aurions donc tout intérêt à considérer les managers comme des artisans dont la matière première est la relation – et donc la conversation ».

Et l’auteur de poursuivre: « les bons « facilitateurs » font montre d’un profond savoir-faire leur permettant de laisser se déployer librement une conversation, sans exercer de contrôle sur elle, malgré les surprises émergentes, mais tout en lui permettant d’aller jusqu’au bout d’elle-même. Bref, œuvrer à donner son poids à cette matière qu’est la parole échangée, c’est un métier. Métier qui est désormais l’enjeu d’une transmission à la fois pratique et théorique – une nouvelle tradition, en somme ».

Le temps de conclure

Pour refermer ce (temps long 🙃) article et cette série relative à la gestion du temps, je sème ici quelques pistes-clés, à emporter dans votre esprit, comme des oiseaux qui virevoltent au gré du vent

Prendre soin de son temps, c’est prendre soin de vous.

Anticiper, pour donner du temps au temps.

Etre plus sélectif sur ce que nous décidons de faire – ou pas.

Distinguer avec plus de discernement ce qui est de l’ordre de l’urgent ou de l’important.

Réintroduire le temps long pour réintroduire la pensée et la créativité, seul et en groupe.

Sortir du flux producteur-consommateur.

Réinventer de nouveaux futurs, un demain neuf qui ne soit pas seulement le lendemain d’hier.

Raviver l’émulsion du collectif et le retisser, encore et encore.

(S’)autoriser à pratiquer l’art de la conversation.

« Passer de la performance au travail à l’œuvre en commun ». (source)

Dans de prochains articles, nous aborderons plus spécifiquement différents outils technologique et comment les utiliser au mieux dans une dynamique à la fois productive, créative et de bien-être.

Je vous quitte sur la pointe des pieds et vous laisse sur cette citation qui m’a touché. Je la soumets à votre reflexion 😊

Auteur inconnu

Le temps ne respecte pas ce que l’on fait sans lui

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