Dans la lutte quotidienne pour remplir nos obligations ou accomplir ce qui nous tient à coeur nous avons un ennemi juré: le chronophage. C’est lui qu’il nous faut terrasser, c’est-à-dire vaincre les perturbations et les distractions.

« Chronophage », késako? Sémantiquement, « chronophage » signifie simplement « mangeur de temps » (OK écrit comme ça ça fait un peu film d’horreur de série B, mais je vous jure que c’est vrai). Un chronophage est donc une petite bestiole qui mange notre temps, souvent à notre insu, et qui fait que nous en manquons cruellement au final.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les chronophages ne trouvent pas leur origine principale dans une mauvaise gestion du temps. Parmi les 4 piliers de la productivité et de la créativité, c’est l’attention qui est concernée au premier chef. Il s’agit donc d’un mécanisme indirect: un chronophage détourne notre attention et nous passons notre temps sur autre chose que sur le but que nous nous étions assigné. On comprend donc assez intuitivement pourquoi limiter les distractions est un principe essentiel en gestion du temps: c’est le principe de Carlson.

On distingue principalement:

  • Les perturbations: ce sont des stimuli externes qui détournent notre attention de notre but
  • Les distractions: ce sont des changements de direction de notre attention, mais qui surviennent de manière spontanée

L’attention se comporte un peu comme une personne qui roule a vélo: tant qu’elle est lancée, elle avance. Si quelque chose la perturbe dans sa lancée, elle s’arrête. Et sans attention, impossible de parvenir à quoi que ce soit! Dans cet article, nous allons d’abord détailler ces 2 chronophages principaux avant d’explorer des pistes concrètes pour nous en prémunir.

Ennemi n°1: les perturbations

Une perturbation est un élément extérieur qui vient détourner votre attention de son but premier. Dans l’article concernant les piliers de la productivité et de la créativité, je comparais votre cerveau à l’océan. Pour tourner à plein régime, il ne doit pas être agité par la tempête, par les secousses. Autrement dit, sa surface doit être paisible.

Une perturbation externe agit comme si elle venait percuter la surface de votre cerveau et générer une onde de choc. Cette onde en perturbe l’élan initial et vous tire de la direction dans laquelle vous vous dirigiez. Elle vient inscrire de nouvelles informations que votre cerveau va inévitablement percevoir, même si celles-ci ne sont pas importantes:

Photo: Jimmy Chang – Source: Unsplash

Les parasites sensoriels constituent la plus grande source de perturbations. Ceux-ci activent nos sens, attirent notre attention et, par conséquent, nous déconcentrent.

Les parasites visuels

Tout ce que perçoit votre œil, consciemment ou inconsciemment, attire votre attention. Une personne qui passe, une bannière de notification qui apparaît sur votre écran, la pluie qui tombe par la fenêtre… Les mouvements attirent votre œil et détournent du même coup votre attention de votre objectif.

Les parasites auditifs

De la même façon, votre oreille interprète tout signal que vous entendez comme un élément auquel être attentif. Le brouhaha dans un bureau partagé, les notifications sonores, le bruit d’un chantier, une demande de votre patron… Il s’agit là d’autant d’éléments qui réduisent votre concentration.

Les parasites de l’ordre du toucher

Moins évidents que les deux premiers, ils sont reliés aux perceptions de notre corps de manière plus globale. Prenons deux situations pour clarifier cette idée.

Par exemple, une chaise mal réglée peut être la source d’un inconfort, d’un malaise en terme de posture. Celui-ci peut empêcher de se concentrer totalement. Autre exemple: une climatisation mal réglée peut fournir une température trop chaude ou trop froide. Cette climatisation peut aussi véhiculer un flux d’air est trop puissant. Elle génère ainsi également un inconfort sur le long terme qui petit à petit vous fait vous sentir moins bien.

Cet inconfort corporel survient de manière plus insidieuse. Au fil du temps, un mal-être diffus va inexorablement élimer votre capacité à maintenir votre attention. Cela peut même aller jusqu’à détériorer votre santé. C’est la raison pour laquelle l’ergonomie des postes de travail est si importante et est devenue une activité à part entière dans les entreprises.

Les parasites liés à l’odorat

No comment 🤭

Les parasites gustatifs

Dans ce domaine, il y a assez peu de chance que vous subissiez des parasites gustatifs non-désirés. Si vous avez choisi de manger du Maroilles durant votre pause de midi, et bien TANT PIS POUR VOUS 😜 (et pour vos collègues!). Je ne vous plaindrai pas (mais eux oui).

Une cas particulier de perturbation: les notifications

Si vous utilisez un ordinateur ou un smartphone, il y a de grandes chances pour que vous soyez assaillis de notifications.

De beaucoup, beaucoup, beaucoup de notifications.

Tous les jours.

Tout le temps.

Arrêtons-nous sur les notifications des smartphones qui en constituent l’exemple le plus problématique. En fait, les notifications que nous recevons sur nos appareils sont des parasites sensoriels qui s’adressent à 3 de nos sens:

  • La vue: par les bannières et les pastilles par exemple
  • L’ouïe: via les sonneries d’appel ou de messages
  • Le toucher: à travers les vibrations

Les notifications constituent donc le prototype même de la perturbation qui détourne votre attention. Vous me direz: c’est normal, c’est son rôle même que de vous signaler l’arrivée d’un message ou d’un appel.

Le revers de la médaille, c’est le caractère incessant de ces notifications. Si vous ne les limitez pas un minimum, vous devrez faire face à un arrivage permanent et composer avec les décrochages d’attention qui y sont associés. Une notification a aussi comme objectif de vous attirer vers une application ou vers un site web. Le but final? Capter votre attention pour vous faire consommer. La perturbation induite par la notification s’est alors transformée en distraction, comme nous le verrons un peu plus bas.

Les variations de votre « bain sensoriel »

L’environnement dans lequel vous évoluez avec toutes ses animations constitue un véritable « bain sensoriel ». Il stimule vos capteurs et requiert votre attention de manière plus ou moins insistante. Cela peut vous extraire des rails sur lesquels vous étiez lancés, par exemple pour rédiger un document.

Source: GIPHY

Une fois interrompu, relancer votre attention va vous demander un véritable effort mental. C’est comme si vous preniez votre élan pour courir (« Allez, j’y vais! ») et que quelqu’un vous arrêtait tous les 10 mètres pour vous parler. Au bout d’un moment, ce qui vous fatiguera, ce n’est pas le fait de courir mais le fait de devoir relancer la machine, l’arrêter, la relancer, etc.

Le paradoxe, c’est que trop peu de stimuli ne vous permettront pas non plus de vous concentrer correctement. Par exemple, si vous mettez une personne dans un chambre totalement silencieuse (une chambre sourde), cela peut générer une profonde angoisse. Il lui est alors impossible de se concentrer.

Pas tous égaux en termes d’attention et de variations

Nous ne sommes pas tous égaux en terme d’attention et de sensibilité. Certaines personnes ont une attention moyenne élevée: ils sont capables de se concentrer dans un environnement globalement animé. D’autres n’ont pas cette disposition; ils ont besoin de travailler plutôt dans le calme car ils ont une attention moyenne plus faible:

Attention moyenne variable selon la sensibilité des individus

Par ailleurs, chaque personne présente une tolérance plus ou moins bonne aux variations de stimuli. Certains d’entre nous ont une une tolérance aux variations élevée, d’autres ont une tolérance plus réduite:

Tolérance aux variations de stimuli (plus large vs. moins large)

En résumé, ce qui constitue les perturbations, ce ne sont pas les stimuli eux-mêmes mais bien les variations du bain sensoriel dans lequel vous vous trouvez:

  • En fonction de votre capacité d’attention moyenne
  • Et de votre tolérance aux variations de ce bain sensoriel
Zone d’attention vs. Bain sensoriel

Exemple: si vous éternuez dans une bibliothèque, tout le monde se retournera vers vous avec des gros yeux en faisant « chhhhhht ». Si vous éternuez en plein concert de métal et bien tout le monde s’en fichera 😎

Pour couronner le tout, votre sensibilité peut varier en fonction de votre contexte personnel. Si vous vous êtes disputés avec un ami ou votre conjoint, si vous êtes épuisé, si vous êtes malade… votre attention et votre tolérance seront plus faibles.

Maintenir votre attention quand vos sens sont submergés de stimuli relève du travail de forçat. Votre cerveau tente simultanément de se focaliser sur quelque chose tout en essayant de filtrer une pluie de sollicitations. Résultat? Il est agité comme la surface d’un lac sous une pluie battante:

Photo: reza shayestehpour – Source: Unsplash

A coté des distractions, une autre menace pèse aussi sur votre capacité à garder votre attention: les distractions.

Ennemi n°2: les distractions

Une distraction est en quelque sorte le pendant « intérieur » d’une perturbation. C’est quelque chose qui vous brise dans votre élan mais pas du fait d’un élément extérieur. Elle émane de vous et émerge dans vos pensées, un peu comme une plante sort de terre.

Quand une distraction survient, l’énergie que vous mobilisez pour atteindre votre objectif n’est plus disponible. Elle est en quelque sorte siphonnée par un autre objectif ou une autre activité. Une perturbation ressemble à une goutte d’eau qui vient frapper la surface de l’eau. Une distraction s’apparente plutôt à un syphon qui crée une dépression sous cette surface. Dans un cas comme dans l’autre, le cerveau est perturbé dans son équilibre et perd de vue son objectif.

Selon mon expérience personnelle, il y a 2 distractions principales qui sont à l’origine de l’absorption de notre attention:

  1. Les pensées et emotions négatives qui vous font trébucher alors que vous voguez joyeusement vers de nouveaux horizons
  2. Les activités externes que vous préféreriez faire plutôt que de vous concentrer sur la tâche que vous êtes en train d’accomplir
Le syphon

Pensées et émotions négatives

Les pensées négatives sont ces petites voix intérieures qui vous hantent lorsque vous êtes en train de marcher vers ce qui vous tient à coeur. Elles n’ont qu’un seul but: vous faire échouer ce que vous entreprenez. A travers des petites phrases sibyllines, elles instillent le doute et le dépit dans l’énergie qui vous pousse vers l’avant. Chacun doit y faire face doit faire de son mieux pour composer avec elles et tenter de se surpasser.

Pourtant, d’une personne à l’autre, elles emploient souvent les mêmes stratégies pour nous faire trébucher, à savoir nous envoyer des messages négatifs tels que:

  • Tu es nul
  • Tu n’as pas le droit
  • Ce que tu fais est inutile
  • Tu n’as pas assez de talent
  • De meilleurs que toi ont échoué
  • Tu n’es pas capable
  • A quoi bon
  • Tu n’y arriveras jamais
  • Ca ne sert à rien
  • Tu n’es bon qu’à ceci/cela
  • Ca n’a pas de valeur
  • Tu n’es rien
  • Etc.

Cela résonne-t-il de manière familière pour vous? Et oui la liste est longue et pourrait l’être encore plus 😎

Les émotions négatives véhiculent l’énergie qui va alimenter ces pensées de doute et de découragement. La peur, la tristesse, la colère, la honte, toutes se donnent RDV pour parachever l’oeuvre de démolition. Combinées entre elles, les pensées et les émotions négatives créent une aspiration interne qui vous empêche d’avancer vers vos aspirations essentielles.

Activités externes

Ce sont tout simplement d’autres activités que vous aimez pratiquer et que vous préféreriez faire plutôt que de bosser sur votre projet 😎

Sur votre ordinateur

  • Glander sur Facebook
  • Surfer sur le web
  • Lire votre site d’info préféré
  • Chatter avec un ami
  • Regarder des photos sur Instagram
  • Regarder des vidéos YouTube, sur Tik Tok
  • Faire du shopping
  • Glander sur Facebook 😇
  • Etc.

A l’extérieur

  • Regarder la télé ou des séries
  • Aller vous promener
  • Faire du sport
  • Aller au resto ou boire un verre
  • Aller au cinéma
  • Voir vos amis
  • Faire du shopping
  • Lire
  • Etc. 😊

Bref, vous avez compris le principe: toutes ces activités sont des activités marrantes et relaxantes. Si vous êtes une personne qui aime s’amuser, il est quand même normal d’avoir envie de se détendre non?

Le problème, c’est quand la succession des moments ludiques nous empêchent systématiquement d’avancer. Par exemple, commencer la série « Dark » sur Netflix en pleine session d’examens, c’est sans doute quelque chose à éviter 😉

La question est: comment profiter de nos passions tout en avançant?

Comment procéder pour focaliser notre attention?

Du fait de leur diversité et de leur omniprésence, vaincre les perturbations et les distractions requiert une approche globale. Je vous propose un plan en 4 points.

1) Bien choisir son lieu de travail

Pour pouvoir focaliser votre attention, il est fondamental que vous puissiez vous installer, vous poser dans un endroit dans lequel vous vous sentez bien. Vous pouvez le choisir en tenant compte de 2 critères:

  • Votre niveau d’attention moyen: cela vous permettra de déterminer si vous préférez travailler dans une milieu globalement animé (un open space, un café, à la table d’un parc) ou plutôt dans un endroit calme (un bureau isolé)
  • Votre tolérances aux variations de stimuli de l’environnement: ceci vous aidera à évaluer ce les perturbations que vous acceptez. Le téléphone qui sonne sans arrêt ne vous dérange pas ou, au contraire, vous avez besoin d’un minimum de variations? Tenez-en compte. Certaines personnes dans ce cas aiment par exemple écouter de la musique qui les aide à se concentrer. Elle ne réduit pas le niveau sonore, mais bien les variations sonores

Dans tous les cas, tenez bien compte à la fois des stimuli auditifs et visuels. Nous commettons souvent l’erreur de nous arrêter au bruit ambiant alors que les mouvements autour de nous peuvent nous perturber tout autant, voire plus.

Enfin, prêtez une attention particulière à votre posture, au fait d’être bien installé sur votre chaise et à votre bureau. Sur le court terme, vous n’en ressentirez pas l’impact mais il sera bien présent sur le long terme.

Procédez par essais/erreurs. Au fil du temps, vous trouverez petit à petit le ou les endroits qui vous conviennent le mieux, à vous, en fonction des activités que vous souhaitez accomplir.

2) Se déconnecter du monde numérique

C’est une disposition assez radicale que je vous propose ici, mais si vous souhaitez réellement avancer sans être dérangé, la principe est simple: coupez temporairement TOUTES vos connections réseaux.

Oui, vous avez bien lu, TOUTES:

No WiFi 🙂

Cela vous permettra de ne pas recevoir de notifications ni de vous perdre dans les méandres de Facebook ou d’internet 🙃 Je vous encourage sincèrement à procéder de la sorte: vous verrez à quel point cela aide à mettre l’esprit au repos.

Ceci étant dit, ce n’est pas toujours possible, notamment dans le cas où vous devez effectuer des recherches sur le web en écrivant un article par exemple. Dans ces cas, je vous invite à:

  • Désactiver toutes les notifications sur votre smartphone et votre PC
  • Configurer votre smartphone et votre PC sur « Ne pas déranger » afin d’éviter de recevoir des appels

Mieux encore, si vous le pouvez, mettez votre smartphone dans une autre pièce que celle dans laquelle vous travaillez. Nous en reparlerons dans un autre article.

3) Nettoyer les pensées négatives

Les pensées négatives peuvent survenir n’importe quand, avec des vagues plus ou moins importantes en fonction des personnes, des situations ou des périodes de vie.

Au lieu de les refouler et de les enterrer, je vous propose plutôt des les laisser émerger pour les sortir de vous:

  • Prenez une feuille de papier et un stylo
  • Laissez ces pensées négatives monter à votre esprit
  • Notez les toutes, sans censure ni jugement (ce point est très important)
  • Continuez jusqu’à ce que le flot s’apaise et s’éteigne
  • Relisez ensuite la liste de ces pensées négatives et regroupez-les par thématique (ex: peur de déplaire, manque de confiance en soi, etc.)
  • Considérez la thématique qui reprend le plus grand nombre de pensées négatives (ex: manque de confiance en soi)
  • Remémorez-vous une situation dans laquelle vous avez ressenti une émotion incroyablement positive en regard de cette thématique. Par exemple, rappelez-vous un accomplissement sportif que vous pensiez ne pas pouvoir mener à bien, comme terminer une course difficile

Arrivé à cette étape, rappelez-vous bien de ceci: les pensées négatives qui nous polluent essaient de nous décourager en édictant des généralités. Hors, l’exemple positif que vous venez de vous remémorer juste avant en constitue un puissant contre-exemple.

Hors, si une multitude d’exemples ne permet pas de prouver quoi que ce soit, un contre-exemple invalide toujours une théorie.

Alors, en cas de pensées négatives, trouvez votre contre-exemple positif et continuez d’avancer 👍😊

4) La récompense

Enfin, utilisez les activités externes que vous appréciez accomplir comme récompenses:

  • Fixez-vous un objectif à accomplir, comme écrire un article, terminer un dossier ou travailler 2h sur tel ou tel projet
  • Définissez le critère qui indique que vous avez terminé votre tâche de manière concrète (article publié sur le blog, dossier renvoyé par mail, minuterie qui sonne après 2h). C’est comme si vous franchissiez la ligne d’arrivée d’une course
  • Une fois votre objectif atteint, octroyez-vous une détente via l’une ou l’autre activité que vous appréciez, comme surfer sur le net durant 30 min par exemple
  • Une fois votre moment de détente terminé, pensez à une autre activité plaisante que vous avez envie de faire plus tard et définissez-la comme prochaine récompense
  • Et attaquez votre prochain dossier 😎

De la mème manière que dans l’article concernant TAIO, l’important ici est de faire fonctionner ces 4 pistes simultanément. En tout cas, c’est très certainement comme cela que vous obtiendrez les meilleurs résultats.

A vous de jouer!

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